Mobilité = Liberté

6 Mai 2013

Tout est lié

Une des raisons pour lesquelles les départements sont redistribués et remodelés à presque chaque législature, découle du fait que tous les sujets sont étroitement liés.

Ainsi il est impossible de parler de mobilité sans parler d’urbanisme, d’économie, de croissance, de coopération trans-frontalière, de fiscalité, d’environnement et même de sécurité et de santé.

 

Réalités et contraintes contemporaines versus vision urbaine de demain

Malgré les impondérables et l’incertitude qui règne en ce moment dans le monde en profonde mutation, un exécutif doit faire preuve de vision et se diriger vers un cap.

Pourtant il doit aussi répondre aux besoins du moment qui ne sont pas forcément compatibles avec la direction prise. Le polémique autour du remaniement des lignes de trams à Genève illustre bien cette difficulté.

 

Collectivisme versus individualisme

Si la gauche est souvent plus favorable au développement des transports publics, tous les partis ont intégré leur préoccupation en matière d’environnement et d’une gestion écologique responsable de développement durable.
Ainsi tout le monde s’accorde pour promouvoir la mobilité douce non seulement pour améliorer la qualité de vie en ville, mais aussi la santé par le mouvement.

Pourtant, notre époque promeut l’individualisme à outrance. Chacun veut prétendre à une jouissance sans limite et immédiate. Les outils numériques et plus particulièrement les réseaux sociaux sont des fenêtres narcissiques où tout le monde s’expose et sanctionne d’un j’aime ou j’aime pas. La voiture reste un faire valoir. Die Kleider machen Menschen.

La nouvelle constitution genevoise consacre à nouveau le choix du mode de transport.
Non seulement pour des raisons pratiques puisque les réseaux publics ne peuvent pas servir toutes les destinations, mais aussi par un besoin d’autonomie et d’espace privatif accru qui se réduisent proportionnellement au développement et à la concentration urbaine. Voir les expériences avec les rats qui s'entredévorent lorsqu'ils sont confinés dans des espaces trop restreints. Et la demande accrue de logements spacieux.

 

Croissance versus décroissance ou croissance zéro

Plus de 20 ans se sont écoulés depuis Rio qui se faisait déjà l’écho des alarmes tirées par de nombreux scientifiques sur les conséquences du réchauffement climatique.
Aujourd’hui, il est très difficile de trier le bon grain de l’ivraie tant les spécialistes se déchirent sur la part de responsabilité humaine dans le développement du gaz à effet de serre et les différents cycles de la Terre telles que les périodes de glaciation.
Nombreux sont ceux qui prônent un retour aux valeurs de respect de la planète qu’ils assimilent volontiers à une remise en question de nos modes de vies.
Certains font l’éloge de la lenteur. Le travail au service de l’homme et non le contraire.

De l’autre côté, nous nous émerveillons devant le génie créatif de l’humain. La croissance n’est pas un concept mais la condition de la vie. Tout nait à la vie, croit, décroit et meurt pour renaitre.

Il est donc parfaitement vain de prôner une version contre une autre. La sagesse nous incite plutôt à faire avec ce qu’il y a, quand il y a, en gardant à l’esprit le caractère épuisable des ressources mais aussi le besoin de l’homme d’avancer, de chercher et de découvrir. Quête du point omega.

 

L’homme, animal grégaire

A part quelques exceptions tels l’ermite qui, par une longue pratique aura appris à se détacher de ses semblables ou ceux qui souffrent de différentes phobies, l’homme se nourrit de contacts, d’échanges.

Aussi loin que l’on puisse remonter dans l’histoire de l’humanité, nous trouverons toujours la notion de mobilité.
D’abord parce que nous avons deux jambes qui nous permettent de trouver de la nourriture, condition première de la survie.

Qu’on soit nomade ou sédentaire, une de nos caractéristiques fondamentales est cette faculté à se déplacer, à entrer en contact et à échanger.
Les diverses inventions au cours de l’histoire nous ont permis d’optimiser les moyens d’y parvenir. La découverte de la roue en est une et pas des moindres.

Malgré l’apparition des interfaces numériques qui permettraient d’organiser des conférences à distance, la demande de déplacement pour créer les réseaux et signer les contrats explose. Même les réseaux sociaux en ligne nous incitent à bouger, à nous rencontrer.

Aujourd’hui ces outils font partie de notre quotidien et les moyens de locomotion ne sont plus seulement utilitaires, mais participent à la jouissance des loisirs. Ils contribuent aussi à définir notre personnalité. La diversité permet le singularisme.

L’histoire de Robinson Crusoé semble suggérer que sans l’autre nous ne sommes pour ainsi dire rien. Nous existons et nous nous définissons par rapport au regard de l’autre.

 

La ville et la campagne

Bien qu’il soit nécessaire de regarder et s’inspirer de ce qui se passe ailleurs, chaque région, chaque pays, chaque ville répond à des particularismes géographiques, culturels, économiques qui empêchent de transposer un système.

En Suisse, et particulièrement à Genève, nous sommes à l’étroit. Notre capacité de développement est limitée par la frontière et par les barrières naturelles. Raison pour laquelle on parle aujourd’hui du Grand Genève.

L’autonomie alimentaire n’est plus assurée que pour quelques mois dans notre canton en cas de conflit. La campagne est devenu un lieu de résidence pour ceux qui préfèrent le calme à l’effervescence urbaine. Ils restent des citadins pourtant puisqu’ils travaillent en ville.
Ainsi nous observons partout dans le monde le développement des mégapoles. Tous les centres urbains sont en constante progression. Les domaines agricoles fusionnent et sont exploités par des machines.

Les diverses expériences de communautarisme ont fait long feu. Que ce soient les hippies des années septante ou le modèle des Kibboutz en Israël, l’individualisme en a eu raison.

 

Le Grand Genève, mythe ou réalité ?

La population se méfie de la politique et des élus. Tous des pourris qu’il martèlent en coeur ! Une des conséquences de cette insatisfaction est le retour des forces populistes et nationalistes. Ainsi à Genève, on fustige les frontaliers et on réclame la priorité nationale pour l’emploi, en violation des accords bilatéraux sur la libre circulation des personnes.

Certains partis prônent le “small is beautifull” et dénoncent un trop grand développement de la ville qui ne ferait qu’augmenter les besoins en infrastructures, voiries, écoles, polices, etc. diminuant d’autant notre qualité de vie.

On pourrait donc croire que le Grand Genève est une chimère dans l’esprit de quelques élus ou autres visionnaires.
Et pourtant, qu’on le veuille ou non, le Grand Genève existe déjà et il est nécessaire de réfléchir aux questions d’urbanisme et de mobilité en gardant toujours cette dimension à l’esprit.

Il suffit de prendre connaissance des projections démographiques dans le monde pour comprendre que le Grand Genève occupera bien vite tout le bassin lémanique.
En 1800 nous étions un milliard d’habitants dans le monde.
Nous sommes actuellement sept milliards.
Nous serons neuf milliards en 2050, soit dans moins de 40 ans.
Et on s’attend à être 11 milliards à la fin du siècle.

 

Mobilités 2030

Constats

Croissance sans précédent objectif 2030 : 1 Million d’habitants.
Habitat en périphérie et activité professionnelle en ville.
Centre ville dessiné au XIXe siècle peu compatible avec un réseau de transports.
Ville à cheval sur le lac avec le Rhône et l’Arve soit autant de points de passage obligatoires.
Progression significative des modes doux au centre et augmentation des ménages sans voiture.
Augmentation inquiétante des kilomètres parcourus dans le canton et l’agglomération.

Principes généraux

Favoriser les transports tangentiels par des ceintures périphériques.
Hiérarchiser les modes de transports en fonction des zones.
Encourager le transfert modal
Développer la mobilité douce et les zones piétonnes.
primauté de l’usage et de la mutualisation sur la propriété d’un véhicule

Lignes directrices, les 4 piliers

Transports collectifs (TC) : Réseau ferroviaire (RER), axes forts trams, axes forts bus
Transports individuels motorisés (TIM) : 2 et 4 roues, professionnels
Mobilité douce (MD) : marche, vélo
Stationnement et espaces publics : Parkings, zones piétonnes, parcs, livraisons

Contraintes, conditions incontournables

Responsabilisation des citoyens : Réévaluation du concept de propriété du véhicule, développement des alternatives de co-voiturage et de location (mobility). Changement des habitudes par le transfert modal vers le moyen le plus approprié en fonction de la zone.
Rééquilibrage des zones d’habitation et d’activité entre le centre et les quartiers périurbains, notamment trans-frontaliers.
Lourds investissements : Traversée du lac, raquette ferroviaire, prolongement des lignes de trams jusqu’aux pôles urbains secondaires de l’agglomération, maillage du réseau TC, parkings sécurisés pour vélos, P&R.
Lobbying intensif à Berne pour les subventions fédérales

Points de discorde

Parkings payants pour les deux roues motorisés
Partage des pistes cyclables avec les scooters. Un vélo électrique va parfois aussi vite qu’un scooter.
Compensation des places de parkings selon dispositions fédérales (max 750 m).
Traversée de la rade ou élargissement de l’autoroute de contournement.
Financement de la traversée du lac par la confédération conditionnée au développement du quartier de la Palanterie.
Usage des sites propres par les taxis.

Conclusion sur les projections 2030

Lors de sa présentation de la stratégie multimodale du Conseil d’Etat le 23 novembre 2012, Mme Künzler a tenté de mettre en terme à la guerre des transports qui sévit à Genève en proposant une union sacrée entre les défenseurs de la mobilité douce et de la qualité de vie en ville et les milieux économiques qui défendent une vision pragmatique de la distribution des biens et la mobilité des personnes en laissant le libre choix du mode de transport.

Etonnamment, les plus intégristes ne sont pas ceux à qui on pourrait s’attendre. En effet, le TCS, la CICG, la FAC et bien d’autres milieux favorables à la voiture reconnaissent volontiers la nécessité d’arbitrages et la promotion de la mobilité douce.

En revanche les défenseurs de la petite reine semblent vouloir éradiquer les véhicules polluants des villes. Ils essaient par tous les moyens de perturber les flux en exigeant des sites propres partout où c’est possible et s’opposent même à la traversée du lac qui serait pourtant le garant d’une circulation plus sereine au centre.

La trêve n’est pas pour demain.

 
Refus déroutant

Tout le concept de “Mobilités 2030” repose sur le principe des déplacements tangentiels contre le système radial actuel qui oblige les véhicules à passer par le centre.
Or, il manque les derniers tronçons des “petite et grande” ceintures.
Le souverain tranchera puisque l’initiative de l’UDC pour un tunnel de l’avenue de France à Genève plage à été validée et sera soumise à votation populaire.

Le parlement et le conseil d’Etat refusent d’entrer en matière sur la traversée de la rade, en attendant celle du lac (autoroutière) et plébiscitent l’élargissement de l’autoroute de contournement pour la simple raison que le financement n’est pas encore sacrifié.

Pas encore, parce que nous risquons d’assister à une nouvelle “Genferei” lorsque la population s’opposera à cet élargissement et que Berne remettra à nouveau en question sa participation. Comme avec la gare et le Collectif 500.

Les élections de cet automne seront déterminantes et permettront de mieux comprendre le souhait des Genevois en matière de mobilité.

Traversée du lac en rade

J’ai gardé ce chapitre pour le dessert.
Saviez-vous que :

La construction du pont du Mont-Blanc (d’abord appelé pont des Alpes) a subit à peu près les mêmes critiques que celles de la traversée de la rade, principalement la dégradation de la beauté du site de la rade.
Le premier projet d’Albert Trachsel en 1896 favorisera le tunnel au pont afin d’éviter “d’obstruer la merveilleuse vue de la rade, et en plus de cela d’entraver la circulation des grands bateaux”.
En 1926, c’est Le Corbusier qui proposera “le nouveau pont des Nations” qui devait relier l’avenue de France à l’avenue William Favre, dans le cadre du concours de l’aménagement de la zone internationale, organisé par la société des Nations.
En 1996, le DTPE recensait pas moins de 211 projets et variantes de traversées.
Le premier projet officiellement recensé est l’oeuvre des architectes Georges Bréra, PIerre Nierlé et Paul Wltenspuhl en 1955.
Le projet qui a le plus longtemps fait référence est la solution Ellenberger sur la base d’une idée de Charles Besson, un vieux marin, en 1974 qui re-dessinait la rade avec deux nouvelles digues et un tunnel de 550 m. entre la place de Traînant et l’avenue de France.